Book Review

Différentes façons d’envisager la peur

Book Title: La peur - Discours, formes et représentations

Author: Roger Fopa Kuete

ISBN: 978-2-343-19562-9

Publisher: L’Harmattan, Au carrefour des cultures, 2020, €18.99*

*Book price at time of review

Review Title: Différentes façons d’envisager la peur

Reviewer:
Karen Ferreira-Meyers1symbol

Affiliation:
1Institute of Distance Education, University of Eswatini, Kwaluseni, Eswatini

Corresponding author: Karen Ferreira-Meyers, karenferreirameyers@gmail.com

How to cite this book review: Ferreira-Meyers, K., 2021, ‘Différentes façons d’envisager la peur’, Literator 42(1), a1777. https://doi.org/10.4102/lit.v42i1.1777

Note: The English translation for the book review title: Shapes and Forms of Fear.

Copyright Notice: © 2021. The Authors. Licensee: AOSIS OpenJournals. This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License, which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.

En 2020, L’Harmattan publie l’ouvrage intitulé La peur - Discours, formes et représentations [Fear - Discourse, forms and representations], dirigé par Roger Fopa Kuete. Le livre fait partie d’une collection - Questions contemporaines - dirigée par Jean-Paul Chagnollaud, Bruno Péquignot et Xavier Richet qui veut être un espace de réflexion et de débat autour de questions contemporaines comme le chômage, l’exclusion ou encore la globalisation. L’idée principale de la collection est de donner l’opportunité aux chercheurs d’un espace où ils sont libres de s’exprimer et de proposer de nouvelles idées et réflexions.

Le présent volume contient une introduction, de la part de l’éditeur Roger Fopa Kuete, et quatre grandes parties, à savoir : Esthétique de la peur et des traumatismes (3 articles), La peur entre croyances et spiritualités (3 articles), Espaces et contextes de la construction de la peur (4 articles) et Politiques de la peur (3 articles).

Dans son introduction, Roger Fopa Kuete, situe le sujet principal, à savoir la peur, dans l’histoire de l’humanité, la peur « qui investit ainsi chaque conscience individuelle c’est : la peur d’être envahi, de voir sa culture et ses valeurs s’effriter et disparaitre, (…), la peur d’un monde qui change trop vite, la peur de l’autre et enfin, de vivre avec l’autre » (p. 9) devient une peur « abyssale » (p. 10) dans les pays du Sud, « le substrat matriciel gouvernant toute existence » (p. 10), une peur due majoritairement à la mondialisation. Cette mondialisation serait « une véritable ‘institutionnalisation généralisée de la culture’ (Serge Cantin, 2005 : 86), un ensemble de politiques de la peur fondées sur l’argument de la quête de la puissance à travers l’accumulation des richesses » (p. 12). Le directeur du volume explique comment les différents articles/chapitres s’imbriquent, se lient, se combinent, s’accompagnent. En effet, l’analyse des esthétiques, de la vie réelle ou de la fiction, est l’angle principal par lequel la peur est décrite, dessinée et décortiquée dans le présent ouvrage.

Les poétiques des peurs et des traumatismes se trouvent soulignées dans la première partie. Il s’agit d’une focalisation sur la thématique de l’immigration et des traumatismes et violences y associés. Le regretté chercheur universitaire Parfait Diandue Bi Kakou explique comment le migrant clandestin se transforme en proie face à la mer et, s’il survit cette épreuve, comment la folie devient une caractéristique majeure du personnage du migrant. Roger Fopa se base sur les théories de la psychopathologie clinique et des événements traumatiques dans son examen du cycle de la peur à l’œuvre dans Laëtitia ou la fin des hommes d’Ivan Jablonka. Le troisième article dans cette partie, rédigé par Mansour Dramé, est comparatiste et étudie des romans de Didier Daeninckx (sur le nazisme) et de Scholastique Mukasonga (sur le Hutu Power) selon les axes de l’exclusion et de la pureté.

La deuxième partie se concentre sur la question des croyances et des spiritualités et leurs liens à la peur. Antoine Guillaume Makani y propose une étude sur l’éducation religieuse en Afrique et oppose, ce faisant, des figures comme le sujet africain et le prêtre blanc, le sujet africain et la foi, le sujet africain et ses propres habitudes et coutumes, ses interdits et tabous. Rodrigue de Paul Kepgang aussi réfléchit à la religion : il note avec intérêt la force de survie des sociétés traditionnelles camerounaises (des Bamiléké en particulier), même lorsqu’elles sont confrontées à de multiples missions d’évangélisation chrétienne. Dans cette section sur la peur et les croyances encore, Zacharie Duflot Tatuebu analyse les sculptures des peuples du Grassland-Cameroun (à l’est et au sud, les plateaux Bamileke et Bamoun, à l’ouest et au nord, les plateaux de Bamenda, Nso et Nkambe, et, en contrebas, des plaines d’altitude à l’exemple de celle de Mbo, Ndop et Tikar) dans l’optique de montrer leurs symboles et caractères mystico-religieux.

La troisième sous-division de ce volume s’attarde aux espaces et contextes de la construction de la peur. Les normes formelles et la peur de celles-ci, qu’Henri Rodrigue Njengoué Ngamaleu a nommé la « normophobie » sont décrites à partir de la page 111. L’auteur examine les peurs obsessionnelles et irrationnelles en tant que « trait de personnalité chez les Africains » et les lie à la dérégulation sociale et le sous-développement de certaines parties du continent. L’article qui suit, intitulé De l’autopsie des terrorismes à la théorie du chaos : essai d’analyse d’une construction « en sourdine » des peurs collectives en Occident, dans lequel Albert Jiatsa Jokeng analyse d’autres peuples et la surmédiatisation de la peur à partir de la théorie du chaos, démontre que la peur est universelle et mène à des démesures importantes si elle n’est pas contrôlée. Les deux prochains articles de cette section, rédigés par Williams Fulbert Yogno Tabeko et Philippe Nguemeta, étudient la peur sous l’angle de l’utopie, de la responsabilité et de la technologie (techno-science).

La dernière partie de ce volume prend la vie politique comme point de départ. Ainsi, Anatole Fogou voit dans la peur l’élément fondateur de l’ordre politique et Njimeni Njiotang Clébert Agenor identifie la peur comme base sémiotique du dualisme inhérent à la parole politique. C’est dans le dernier article que Tchetchoua Tchokonté Séverin discute de trois décennies de phobie démocratique au Cameroun ayant, selon lui, mené à la « restauration autoritaire » dans le pays.

Cet ouvrage est ancré majoritairement dans le contexte historique et géographique du Cameroun. Les divers articles font le tour d’une thématique universelle – la peur – et démontrent en même temps combien le particulier informe et modèle la représentation et l’acception de celle-ci. De ce fait, la collection d’essais d’idées et d’analyses scientifiques personnelles offre aux lecteurs l’opportunité de découvrir ou d’approfondir leurs approches et perspectives de la peur, du terrorisme, de la violence. La variété des approches théoriques et pratiques, à savoir littéraires, esthético-artistiques, anthropologiques, socio-politiques, entre autres, permet des lectures multiples de cet ouvrage bien édité : la mise en page est correcte, les articles sont précédés d’un résumé et de mots clés en anglais et se terminent par une liste de références bibliographiques.

Une chose m’attriste un peu : le manque de voix féminines dans ce volume. Et nous avons des choses à dire et écrire au sujet de la peur, c’est certain !



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